L’océan au bout du chemin, de Neil Gaiman (2014)

Neil Gaiman est peut-être mon auteur préféré. Il a le don inhabituel de faire resurgir nos peurs et nos fantasmes d’enfants pour les réarranger en des contes magiques. Sa plume subtile et mordante (et toujours bien traduite, chez Le Diable Vauvert) est toujours par un humour fin et so british. Il écrit aussi bien pour les petits que pour les grands, avec cette puissance et cet onirisme propre aux rêveries enfantines. L’océan au bout du chemin ne fait pas exception.

l'océan au bout du chemin neil gaimanC’est un adulte qui raconte. Revenant sur les lieux de son enfance, il tombe sur cette ordinaire petite mare, à l’autre bout du terrain. Et soudain, tout lui revient. Il se rappelle du monstre de son enfance. Celui qui s’était glissé jusque chez lui, que ses parents ne voyaient pas, et qu’il a dû combattre. Mais où tout cela a-t-il démarré ? Il y avait une étrange petite voisine, pas loin de chez ses parents… une fillette qui le comprenait à demi-mot et l’avait entraîné dans la forêt. Il se souvient de leur rencontre avec une sorte d’esprit démoniaque, orgueilleux et vicieux, et se rappelle avoir senti, avoir compris, que le monstre l’avait suivi jusque chez lui.

Bientôt, le monstre, sous des allures d’élégante gouvernante, séduit toute sa famille, la retourne contre lui, et le narrateur, l’enfant, se retrouve seul, prisonnier, et menacé. Le lecteur sent l’angoisse se frayer un chemin jusque dans son sternum, il se rappelle ce sentiment terrible de ne pas être cru, d’être le seul à savoir

Ou pas ? Qu’a-t-on vécu, qu’a-t-on rêvé ?

Lecture géniale, où l’on navigue entre deux eaux. (Ou comme on dirait dans Battlestar Galactica, Tout ceci s’est déjà produit, et se reproduira…) Entre présent et passé, entre réel et imaginaire, c’est un régal. On en ressort les yeux pleins de fascination et les bras pleins de frissons délicieux.

J’ai tendance à dire qu’avec Neil Gaiman, on peut y aller les yeux fermés. Mais bon, maintenant que vous voilà éclairés, vraiment : chaussez vos skis et partez tout schuss.

Lupiot

Lupiot Allez Vous Faire Lire

 

 

 

 

L’océan au bout du chemin, de Neil Gaiman, Au Diable Vauvert, 2014, 181 pages

The Ocean At the End Of the Lane, en V.O.

2 réflexions sur “L’océan au bout du chemin, de Neil Gaiman (2014)

  1. C’est fait, j’ai fini le deuxième livre que j’ai remporté lors du concours ! Et j’ai vraiment bien aimé.

    C’est un récit rempli de nostalgie je trouve. Neil Gaiman parle de l’enfance d’une manière très juste (ce roman m’a rappelé des tous petits détails anodins de ma jeunesse que j’avais oubliée).
    Le parti pris de prendre un adulte pour raconter l’histoire a son avantage et son inconvénient. La plupart du temps j’oubliais sa présence mais ses divers commentaires créent une petite distance dans l’action ; il commente en tant qu’adulte mettant en valeur, de façon intéressante, la manière dont un enfant de 7 ans pense différemment de l’homme qu’il est devenu.

    Inexplicablement, mon passage préféré est celui où le garçon tente de s’enlever le ver du pied, je voulais absolument savoir s’il allait enfin venir à bout de cette chose étrange (même si ça me rebutait un peu XD ). J’ai aussi bien aimé le passage où il fait face à sa gouvernante dans une sorte de « guerre froide » (la scène de la baignoire est excellente).
    Même si j’apprécie le personnage de Lettie, mes passages favoris sont quand cette dernière n’est pas là : j’aime quand le garçon est désemparé ou en panique ; la présence de sa voisine à ses côtés le rassure tellement qu’il n’a plus peur de rien, et du coup, je n’avais plus peur non plus. Les instants où le héros doit comprendre et faire face seul à ses démons sont les plus intéressants je trouve.

    L’histoire n’est pas aussi marquante/choquante que Quelques Minutes Après Minuit, mais j’en garde un très bon souvenir de lecture.

    PS : J’ai mis longtemps avant de me rendre compte que le garçon n’a pas de nom… en tout cas il n’est jamais cité… enfin je crois ^^

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    • Super d’avoir ton avis 🙂

      De mon côté je peux être assez vite gênée par une prise de distance narrative de ce genre (surtout quand c’est un « jeu » en fait, qui retire ses enjeux à l’histoire) mais dans ce roman-ci, je l’ai beaucoup appréciée. L’inconvénient principal est qu’elle encadre l’histoire par un ton plus difficile d’accès, moins jeunesse. L’avantage est l’émotion, la nostalgie, et aussi le recul rêveur/humaniste qui la sous-tend.

      Le passage du ver est dégueulasse de ouf mais absolument génial. On y CROIT tellement ! C’est un imaginaire enfantin terrifiant et tangible à la fois – Neil Gaiman est très fort pour ça. De Coraline à Neverwhere, ses romans sont truffés de rêves/angoisses de gamins soudain réalisées (un monstre à l’intérieur de toi, tes proches qui ne te reconnaissent pas, tes parents qui ne sont plus tes parents…).

      Mon passage préféré est celui de la « couture », quand on réécrit le temps en recousant un peignoir et en y faisant apparaître une brosse à dents (qqch comme ça, ça fait 1 an que je l’ai lu). Génialissime.

      Il n’a pas de nom ?
      Peut-être qu’il l’a oublié, comme le reste ? 😀

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