Okidoki les p’tits loups, cela fait un moment que j’ai envie de faire un topo sur la dystopie en littérature jeunesse, thématique qui semble avoir été abordée par tout le monde et leurs mamans depuis deux ou trois ans, mais bon, jamais de façon hyper structurée et complète. Du moins pour ce qui est disponible sur le net. Donc je m’y colle, parce que ce sujet, il me botte.
Pour l’aspect structuré et complet, nous aurons :
Une saga en 3 volumes, « La dystopie jeunesse aujourd’hui », précédée de son volet d’introduction :
- La dystopie : Les origines (C’est le passage pas forcément intéressant mais nécessaire aux développements suivants, un peu comme la présentation des personnages dans un roman, v’voyez)
- La dystopie jeunesse aujourd’hui 1. Un phénomène culturel (Je t’assure, c’est la folie, ils ne parlent que de ça à Charleville !)
- La dystopie jeunesse aujourd’huiI 2. Qu’est-ce que c’est, et pourquoi ça marche ? (Ici, nous pratiquons la dissection sans diplôme de médecine.)
- La dystopie jeunesse aujourd’hui 3. La stratégie éditoriale (C’est là que les Athéniens s’atteignirent. Je joue au grand gourou mais, la vérité, je ne vois pas plus loin que mes cils)
Donc c’est parti pour notre tome d’introduction…
Le terme « dystopie » est construit en référence au terme :
Dans sa construction d’une société idéale, More choisit un terme grec où l’on retrouve :
U-
et
-TOPIE
Ce dernier est fastoche :
Le U- quant à lui, joue sur l’homophonie anglaise des deux préfixes grecs :
Utopie est donc, étymologiquement, un lieu heureux qui n’existe pas.
La Dystopie jouant au contraire sur un lieu malheureux qui existe, le terme s’est construit sur utopie en supprimant ce « u » positif et en le remplaçant par le « dys » de négation, désignant ainsi un « mauvais » lieu.
- Apparition de la dystopie et éléments de définition
La dystopie est une utopie réalisée où les « bonnes » lois conçues par le gouvernant sont en application. Mais, alors que l’utopie est racontée par le philosophe et/ou gouvernant, souvent sous forme descriptive, la dystopie est racontée par le peuple qui vit dans cette société… qui s’avère loin d’être idéale.
Les premières dystopies modernes (narratives et contées du point de vue des gens) apparaissent au XXe.
- Nous autres, Ievgueni Zamiatine (1920 en V.O. (russe), 1929 en V.F. chez Gallimard, en Russie interdit très tôt et finalement publié en 1988). Celle-ci montre une société où, vivant dans des demeures de verre sous les regards constants du gouvernement, les hommes ont perdu toute vie privée.
Hashtag : la télé-réalité avant l’heure.
- Le Meilleur des Mondes, d’Aldous Huxley (1932 en V.O., 1932 en V.F. chez Plon). Celle-ci montre, à l’époque où la société de conso apparaît aux USA, une société de consommation poussée à l’extrême, où le conditionnement des hommes commence avant la naissance et se poursuit tout le long de leur vie, le gouvernement les abreuvant de divertissement, notamment sous la forme de drogues euphorisantes.
Hashtag : meilleure dystopie de tous les temps.
- Ravage, de René Barjavel (1943 chez Denoël). Celle-ci montre la dépendance de la société moderne à l’électricité en la faisant subitement disparaître, ce qui entraîne le monde dans le chaos.
- 1984, de George Orwell (1949 en V.O., 1950 en V.F. chez Gallimard) Celle-ci nous montre une société où tout est contrôlé par un pouvoir omniprésent : information et langage sont modifiés pour mieux protéger le peuple des menaces extérieures et intérieures : c’est l’image du totalitarisme à la Staline.
- Fahrenheit 451, de Ray Bradbury (1953 en V.O., 1955 en V.F. chez Denoël) Celle-ci enfin, nous montre une société où la lecture est considérée comme dangereuse pour le bien-être de la population et les « pompiers » sont chargés des autodafés.
Orientée politiquement, la rédaction de ces dystopies est très influencée par les deux guerres mondiales : les totalitarismes (fascistes et socialistes) sont la toile de fond de ces romans, de même que les nouvelles logiques sociales et politiques qui nourrissent les angoisses de cette génération : avancées scientifique, société de consommation au détriment de l’éducation, guerre froide…
- L’Édition des premières dystopies
- Dans quelle littérature apparaît la dystopie, initialement ? Jeunesse ? Pas particulièrement : pas du tout, même. Science-Fiction, alors ? Aussi étrange que cela puisse paraître, non plus. Du moins, pas dans un premier temps. C’est alors de la littérature pour adultes, notamment par son orientation politique marquée.
- Quels éditeurs ? En gros, Gallimard pour les textes les plus clairement politisés considérés comme de la littérature blanche, Denoël pour ce que l’on classe déjà en SF. C’est assez significatif de l’orientation que l’on donne aux romans. (Nb : C’est à ça que les éditeurs renvoient quand ils parlent de leur « ligne éditoriale »).
- Quels phénomènes culturels ? La dystopie est alors une sous-branche de la SF, pas un phénomène en soi. Notez bien : comme le genre policier à ses heures, ou la littérature jeunesse aujourd’hui, la SF est alors vue comme de la sous-littérature (comme relevant de l’imaginaire, renvoyant le lecteur à son enfance), sauf lorsque, occasionnellement, elle semble frôler avec le conte philosophique (cf. La ferme des animaux ou 1984) ce qui permet à de tels titres d’accéder plus rapidement à la reconnaissance.
Maintenant qu’on sait d’où on vient, nous allons pouvoir comprendre où nous en sommes…
Fin de l’introduction éclairée.
Rendez-vous par ici pour la suite : La dystopie jeunesse aujourd’hui 1. Un phénomène culturel !
Ah, si « Ravage » était une dystopie ! Il y a catastrophe, fuite de la population vers la campagne et là commence l’utopie préconisée par Barjavel : le retour à la terre, « Travail Famille Patrie », destruction des livres qui ne servent qu’à élaborer des idées… Il écrit ça en 1943 sans une once de cynisme : c’est son idéal, les femmes aux marmots et vive l’ignorance !
Quoiqu’il en soit, c’est une bonne initiative que cet historique du genre.
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J’exècre ce livre, donc ton commentaire m’a fait bien rire !
Oui, Ravage, c’est exactement ça, mais aussi misogyne qu’il soit, ce roman est l’un des classiques qui a forgé le genre, notamment en France, apparemment, il fallait donc que je le liste.
J’espère que la suite de la thématique te plaira autant !
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Ah moi aussi, je le déteste ! Pour son contenu mais aussi parce que depuis des générations, c’est avec ce roman-là que de très nombreux jeunes lecteurs découvrent le genre en 4e sur recommandation de leurs profs de français qui ne savent pas que depuis 1943 on a écrit autre chose en SF (bon d’accord, j’exagère, il y a des profs très bien, mais vraiment ce livre a le don de m’agacer 🙂 )
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Je viens de découvrir ton site. Il est gé-nial. Amour sur toi.
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J’adore Barjavel mais Ravage m’a vraiment soûlée (heureusement qu’il y a de superbes passages !), je viens juste d’en faire un article tiens.. Je suis en train de rattraper mon ignorance, me reste Le Meilleur des Mondes et Nous autres du coup !
Merci pour cette intro simple et efficace 🙂
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Le meilleur des mondes est la plus marquante / géniales des dystopies à mon goût, toutes époques confondues ^w^ Tu m’en diras des nouvelles. C’est en tout cas une lecture troublante.
Barjavel n’est pas totalement perdu pour moi, j’ai envie de lire La nuit des temps, par exemple. Mais le découvrir par Ravage n’a pas joué en sa faveur !
N’hésite pas à venir me mettre un lien vers ta chronique de Nous autres si tu le lis avant moi, car c’est le seul de la liste que je n’ai encore jamais lu.
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Très instructif, merci ! 🙂 (et le ton comme la présentation sont bien chouettes ! ^^)
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A ton service ! (Et merci ^w^)
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Pingback: L’amour est une arme – les dystopies young adult et l’amour romantique | Une sociologue chez le coiffeur
Super article, j’attends demain pour la dernière partie ! En voyant ton engouement pour les dystopies ci-dessus, je me dis que tu devrais apprécier le titre LoveStar, qui est passé assez inaperçu en littérature banche (chez Zulma), mais qui est vachement ambitieux et reprend pas mal de caractéristiques dont tu parles, le côté jeunesse en moins, et pas mal de petites inventions futuristes géniales (bon comme je n’ai pas encore lu Le meilleur des mondes (pas taper!) ce n’est p-e pas si original, mai ça m’a semblé assez génial en le lisant) 🙂
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Merci pour la reco ! Une grosse part de la SF (dont dystopies) est publiée en littérature blanche, quand on y regarde de près (ne serait-ce que parmi les auteurs les plus populaires, si tu lis du Houellebeq ou du Nothomb, une fois sur 2 c’est de la SF, par exemple). Du coup (je reviens au sujet) c’est terriblement facile de passer à côté de pleins de titres quand tu n’as pas le réflexe d’éplucher certains éditeurs.
J’adore la ligne éditoriale (et le LOOK) de Zulma mais pour complètement d’autres raisons XD.
Pas taper si t’as pas lu Huxley ? Je ne recours pas à la violence de manière générale mais veuille recevoir un terrible, un épouvantable, un massacrant …haussement du sourcil gauche.
#kesskeutatan
La suite demain 😀 La dernière partie sera un sacré morceau, arme-toi de ta meilleure tisane.
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