L’AntiRentrée #1 : laisse le temps faire le tri, lis ceux de l’an dernier

Tu as cru que je plaisantais quand je disais préparer des articles sur le thème #AntiRentrée ? mais ce n’était qu’un stratagème habile pour avancer mes pions en loucedé, car j’étais très sérieuse :

La rentrée littéraire m’excite autant qu’elle m’use. On est envahi pourchassé canardé de recommandations de lecture de

*LA NOUVEAUTÉ*

… jusqu’à l’absurde, car personne n’a encore de recul dessus.

Tu te surprends donc, si tu es comme moi très sujet·te aux pointes d’enthousiasme, à acheter sur un caprice un bouquin dont tu as entendu parler partout, sans avoir pris le temps de véritablement te pencher sur la question (car qui l’a, ce pitin de temps), de le feuilleter, de vérifier que les quidams auteurs de la recommandation sont de bon goût, de gout voisin, de goût similaire au tien. Et tu te retrouves à lire, au hasard, ÇA RACONTE SARAH, qui en plus d’avoir un titre nul à chier qui te racle le palais comme un lendemain de soirée sponsorisée par le tabagisme,est la quintessence de tout ce que tu détestes en littérature, à base de vacuité nombriliste au style blanc qui rend vert, un machin post-durassien sitôt né sitôt daté, la phrase nominale comme étendard poétique déchiré, le carbone 14 du nouveau roman fait papier.

ET TU L’AS ACHETÉ. AVEC TON ARGENT DUREMENT GAGNÉ.
(Expérience de ma rentrée littéraire 2018. La rancœur est encore présente, le sens-tu.)

Passons. Je suis encore en train de me laisser déconcentrer par la passion. Mon médecin m’a dit d’arrêter.

L’objet de cet article n’est pas de t’éviter des romans en particulier (et si tu as aimé Ça raconte Sarah, tu as le droit d’avoir tort, moi je t’empêche pas).

L’objet de cet article est de t’éviter de te laisser manipuler par les hormones de la séduction que dégagent tous les petits livres chauds et croustillants juste sortis des presses. Ne te jette pas à corps-perdu dans une série de blind-dates qui te laisseront insatisfait·e et entameront ta confiance dans le genre littéraire.

Laisse-toi le temps de la réflexion. Écoute les voix de tes amis qui ont fait le tri pour toi une année durant et te recommanderont un compagnon de lecture de qualité.

Laisse le temps faire le tri,
lis les romans de l’an dernier !

Voici donc 10 romans de la rentrée 2018 qui selon moi et avec le recul de ces quelques mois, valent carrément le coup d’être découverts. Des livres que j’ai aimés voire adorés, qui n’étaient pas nécessairement parfaits (ce qui fait aussi leur charme, comme chez les gens, n’est-il pas ?)… mais me remplissent encore du sentiment gourmand de la satisfaction romanesque : j’ai passé un très bon moment.

Donc, clairement, je te recommande mes ex. Mais seulement les bons, promis !

En littérature générale :

 

Leurs enfants après eux, de Nicolas Mathieu (Actes Sud), un roman comme un été d’adolescence dans cette France normale, entre rêves candides et désillusions cruelles, où un jeune mec en construction nommé Anthony va tomber amoureux. Rien que de très ordinaire, sinon un sens du destin qui nous conduit toujours sur les traces des précédents qui se sont aimés là.

La vraie vie, d’Adeline Dieudonné (L’Iconoclaste), l’une de mes meilleures lectures de 2018, dont je te parle dans mon Top Littérature ado-adulte 2018, l’histoire d’une gamine pleine d’imagination grandissant millimètre par millimètre dans son corps de femme, sous un toit où sévit la double menace d’un père violent et d’un frère traître. Étrangement lumineux.

Trois fois la fin du monde, de Sophie Divry (Notabilia), roman en trois temps, chacun son ambiance, porté par une plume d’une justesse brute et sincère, poétique et percutante (mais si, c’est possible) ; histoire 1) d’un mec en prison 2) libéré par un accident nucléaire 3) qui, dans son errance, dans sa liberté, redécouvre la nature.

*

En  littérature Sarbacane :
(Bwahahaha. Évidemment que c’est une catégorie en soi.)

 

Brexit Romance, de Clémentine Beauvais (Sarbacane), une comédie romantique supra drôle, moderne, brillante, qui interroge moult facettes de notre société de millenials so « woke » qu’ils font totalement n’imp, y compris se marier par ironie. J’en parle dans mon Top 10 littérature ado-adulte 2018.

Héros, de Benoît Minville (Sarbacane), une aventure fantastique mêlant réalisme péri-urbain délicieux, dialogues hilarants, super-héros de comics ne maîtrisant pas tout à fait leurs pouvoirs et monstres de Lovecraft maîtrisant totalement les leurs,le tout  avec une humanité débordant par tous les pores. Un régal.

Cœur battant, d’Axl Cendres (Sarbacane), l’histoire de cinq personnages tout niqués du cœurs qui, n’ayant plus goût à la vie, décident de s’organiser un suicide collectif en sautant du haut d’une falaise à l’issue d’un road-trip les menant en Normandie. D’une folie et d’une tendresse folles. J’en parle dans mon Top 10 littérature ado-adulte 2018.

*

En littérature ado hors Sarbacane :

 

Direct du cœur, de Florence Médina (Magnard), le parcours drôle, sensible, d’un ado branleur qui, pas vraiment pas choix, se met à la LSF (langue des signes française) et tombe amoureux d’une sourde. Mais ça reste un gros branleur m’as-tu-vu provocateur, donc 

Nevermoor 1. Les défis de Morrigane Crow, de Jessica Townsend (PKJ), une aventure fantastique qui reconvoque le merveilleux qui me manquait depuis, depuis, je sais pas ? Harry Potter, La croisée des mondes, La Passe-Miroir ? Je m’amuse dinguement ! (Note : dès 10 ans, celui-ci. Pas vraiment ado !)

L’instant de la fracture, d’Antoine Dole (Talents Hauts), un roman comme un cri arraché du cœur, très bref, coup de poing au plexus. Trigger warning : évocation d’abus durant l’enfance.

Caribou Baby, de Meg Rosoff (Rageot), l’histoire flipo-zinzin d’une ado qui accouche d’un bébé caribou. Le réalisme magique de Meg Rosoff servi par la trad au poil de Clémentine Beauvais.

*

Voilààààà. C’était mon mon Top Rentrée de l’an dernier.

J’ai la sensation touchante de t’offrir une souris morte depuis UN AN.

Mais je suis sûre que c’est meilleur pour la santé que de s’esquinter à tenter de discerner ce qui vaut le coup dans la pagaille littéraire de saison. Je t’offre donc ces 10 formidables lectures de la rentrée 2018, éprouvées par les mois, loin des paillettes et autres poudre-aux-yeux que te jettent actuellement en tous sens les sorties 2019 pour t’appâter, t’étourdir, et te voler ton argent. Innocent.

Julia

Lupiot Allez Vous Faire Lire

PS : Sinon, bien entendu, je lis aussi des romans de la rentrée littéraire, ce qui est certes un brin contradictoire avec mon AntiRentrée, mais bon, je te rappelle que j’ai ouvert cet article en t’avouant que j’étais sujette aux pointes d’enthousiasme (mea culpa) et je suis sûre que dans le fond, toi aussi, tu te laisseras tenter. Perso jusqu’ici j’ai dépensé l’équivalent de 2 Week-ends à Rome dans les rayons « sorties récentes » des librairies et comme je n’ai plus de sous, je vais me retrancher derrière mes volets et lire tout ça* en mangeant des pâtes au glutamate.

* Je te donnerai mon avis sur ces lectures de rentrée sur Insta si ça te botte ! (@julialupiot)

9 réflexions sur “L’AntiRentrée #1 : laisse le temps faire le tri, lis ceux de l’an dernier

  1. Merci encore pour cet article, chacun de tes posts-recommandatoires-livresques sont des petits bonbons pleins de drôleries, et font grandir avec enthousiasme ma pile-à-lire-virtuelle. Je viens d’emprunter L’instant de la fracture à la médiathèque- suite à ton acticle précédent dont j’ai également noté plein de titres, et j’ai bien bien hâte d’ouvrir la première page.

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  2. Pingback: #PartageTaVeille | 07/09/2019 – Les miscellanées d'Usva

  3. Je suis obligée de te remercier pour ton avis sur Ça raconte Sarah. Je l’ai lu après qu’il a gagné le Prix du Style, et je crois n’avoir jamais été aussi en colère de MA VIE en lisant un roman. Quel enfer !!! J’ai détesté !!! J’en rebats encore les oreilles de tous mes proches mais du coup personne ne l’a lu et je me sentais seule dans ma détestation (car sur Internet 779% des gens semblent avoir a-do-ré) et te lire, vraiment, me fait du bien. Hhhh ! Merci !!!

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  4. Quelle bonne idée ! Je fais un bilan de la rentrée vers Noël qui peut servir à piocher ses prochaines lectures mais c’est malin de le ressortir en septembre. Je te rejoins sur deux de tes trois conseils de litté générale (pas lu le Goncourt).

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  5. (Tentative 3633)

    Oh god, même déception pour Ca raconte Sarah QUE J’AI ACHETE.
    En fait, soit j’achète ce que j’ai déjà lu en numérique parce que j’ai aimé, soit j’achète sur pulsion et c’est pas toujours une bonne idée. Et des fois, j’attends que mes copains copines me recommandent, et je fais mieux.

    D’ailleurs, je n’ai jamais compris le principe de rentrée littéraire : perso j’ai envie de lire des livres pendant tout l’été et je ne suis que frustration de voir que ça sort fin août (Oui, Rouergue, Sarbacane et les autres, je vous vois et vous juge : vous avez brisé mon coeur de frustration plusieurs fois.)
    Mais c’est peut-être mon côté prof-je-n’ai-jamais-connu-d’année-sans-deux-mois-de-vacances-d’été donc…

    BREF, ça me plaît bien cette Antirentrée, et Axl Cendres et Benoit Minville sont bien évidemment sur ma liste depuis des lustres. Parce que le pb avec moi, c’est que si je ne cède pas de suite à la pulsion, je peux attendre des années ! Il va falloir que je me penche sur tes titres vieillesse aussi et sur Antoine Dole, mais je crois que j’ai peur de souffrir en le lisant. Ça a l’air magnifiquement horrible à chaque fois.

    Brexit Romance, déjà débattu, mais sache que je m’en sers comme base de travail avec un copain, sooooo 😉

    Bref, je m’en vais monter un collectif de réclamation de rentrée littéraire en mai/juin.

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  6. Pingback: Septembre 2019 – Au Bazart des Mots

  7. Pingback: L’AntiRentrée #2 : Un coup de cœur ne meurt jamais | Allez vous faire lire

  8. Bonjour ! Tombée un peu par hasard sur votre blog, je rigole bien. Dans la pile de livres achetée au début du confinement, j’en suis justement à « ça raconte Sarah ». Je ne sais pas ce qui du style ou des personnages me soulève le plus le cœur, vivement la fin, enfin si je tiens jusqu’au bout :s Le précédent sur la pile était la BD inspirée de Miss Charity, le suivant est… le vôtre 😉

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