(Relecture) La trilogie d’Arkandias, d’Eric Boisset (Magnard, 1997)

Article par Stern

Exercice risqué, mais ô combien délicieux : je me lance dans la relecture de…
LA TRILOGIE D’ARKANDIAS

15 ans de librairie, 350 000 exemplaires vendus, et une adaptation cinématographique en 2014 ; aujourd’hui, qui ne connaît pas cette trilogie ?

Elle a bercé mes jeunes années comme celles de ma nièce de 15 ans. Je ne compte plus le nombre de fois où je l’ai lue, ou toutes les recettes magiques que mon frère et moi avons inventées pour imiter celles du grimoire de Magie Rouge. C’était à qui trouverait l’ingrédient le plus loufoque, le plus dérangeant ou le plus désagréable. (Après tout, tout est bon pour faire passer le temps en voiture !)

Cette trilogie s’est peut-être trouvée un peu noyée avec la sortie presque simultanée d’Harry Potter, la pauvre.

Pour reprendre les codes du grimoire de Magie Rouge :

Fractionnez l’heure en centièmes, éteignez les lumières, prenez une barre de fantasy, une cuillère à soupe de policier et une pincée d’humour, mélangez dans un creuset et reculez avant de vous faire brûler les poils de nez par le feu d’artifice que la trilogie ne manquera pas de provoquer.

  1. Le grimoire d’Arkandias

Théophile découvre un grimoire de magie rouge à la bibliothèque qui pique son imagination. Il décide avec l’aide de son meilleur ami Bonaventure de tenter la fabrication d’une bague d’invisibilité, mais un mystérieux monsieur aux ongles noirs, M. Arkandias, tente par tous les moyens de les en empêcher.

  1. Arkandias contre-attaque

Malheureusement, un ami s’est fait accuser à leur place d’un méfait commis dans le tome 1. Pour le sauver, Théophile et Bonaventure décident de fabriquer un nouvel objet du grimoire de magie rouge, le diadème de sujétion. Cependant, encore une fois, ils ne connaissent pas toutes les précautions à prendre…

  1. Le Sarcophage d’Outretemps

Théophile a oublié de fermer la fenêtre, laissant entrer un chat qui tue sa souris blanche et son poisson rouge. De nouveau, les deux amis décident de fabriquer un objet du grimoire de magie rouge, le sarcophage d’Outretemps, pour voyager dans le passé et sauver les animaux.

Alors voilà, à 26 ans passés, j’ai tenté l’aventure la plus risquée qu’une lectrice assidue, avide, boulimique puisse s’imaginer… J’ai relu une trilogie classée dans ma liste des « Ouah-c’est-dingue-lire-c’est-mieux-que-la-vraie-vie ».

Alors, Arkandias… c’est comment ?

LES PLUS

  • #1. Un duo prêt à tout

J’ai retrouvé avec le même plaisir les héros Théophile et Bonaventure, certes traditionnels pour la fantasy jeunesse, mais sacrément bien construits ! Jeunes, ignorants de la magie rouge, issus de notre monde, ils s’affirment grâce à leurs idées innovantes (comment se procurer des ingrédients aussi incongrus que rares, leur ténacité, et la surprenante réussite de leurs recettes).

Le duo est très complémentaire, leur maturité plutôt précoce se révèle sur des aspects différents chez l’un et chez l’autre : Théophile est un littéraire plein d’imagination, son vocabulaire est d’une richesse extraordinaire alors que Bonaventure est un musicien doué et un cartésien, logique et rationnel. La cerise sur le gâteau : Théophile et Bonaventure ne sont pas parfaits pour un poil ! Ils sont emmerdeurs, désobéissent souvent (tout en se sentant quand même (un peu) coupables), parfois ils sont à côté de la plaque et comprennent rien à rien ; mais pour parvenir à réaliser les recettes, ils sont prêts à tout !

  • #2. Un style délicieux

Ah, ces (en)quêtes, en l’occurrence celles consistant à trouver les ingrédients nécessaires à la fabrication des recettes de magie rouge, qui occupent toujours une importante partie du roman ! Pour moi, c’est de la crème fouettée à l’état pur. Le vocabulaire de Boisset est d’une belle précision et chaque ingrédient offre sa petite scène délicieuse d’humour et de débrouillardise de la part des deux potes. Parce que franchement, vous sauriez où trouver un œuf punais, vous ? (Savez-vous seulement ce qu’est un œuf punais ? Moi, je ne le savais plus.)

LE HIC

Par contre, l’amer point de vue de l’adulte que je suis devenue est sans concession. Je ne me souvenais plus du tout que les trois tomes ne varient pas tant que ça. Enfant, j’ai peut-être aimé retrouver une structure si ressemblante (recette – quête des ingrédients – tentative ratée – sauver les pots cassés) ; adulte j’ai trouvé ces répétitions parfois un peu… lourdes.

Cependant, la lecture des tomes suivants vaut quand même son pesant de cacahouètes ! L’alternance constance/variations permet tout de même de retrouver le plaisir procuré par le tome précédent tout en se délectant des nouveautés. D’ailleurs, Théophile et Bonaventure s’améliorent d’une recette à l’autre et les recettes magiques se compliquent, ce qui ne manque pas d’apporter un certain piment aux tomes 2 et 3.

In fine, le jeu en valait-il la chandelle ?

J’ai bien sûr retrouvé avec nostalgie ce qui m’avait tant plu, mais l’impitoyable regard d’adulte a définitivement descendu cet amour de jeunesse de son piédestal.

de l’enfance

Le goût

On s’identifie sans peine aux caractères affirmés et attachants de Théophile et Bonaventure. J’ai aussi adoré les petits détails de leurs quotidiens, les innombrables goûters, jus de myrtilles, coup de téléphone, autorisations parentales et autres pépites de l’enfance. L’humour de Boisset, sympathique et grinçant, fait un peu oublier les répétitions, mais quelles répétitions ! Pour un adulte qui lit les trois livres à la suite, elles sont comme un bouton d’acné au bout du pif, on ne voit que ça.

N’empêche, je les ai immédiatement filés à mon neveu pour qu’il nous suive, nous les plus grands, dans notre amour pour les recettes de magie saugrenues.

Bonne lecture

Stern

§

Note de Lupiot & Stern : Au moment de la sortie du film, en 2015, on se rappelle avoir vu l’affiche partout et avoir été aussitôt consternées par le white-washing du casting : Bonaventure, le meilleur ami du héros, que l’on présume être figuré par le petit gros aux longs cheveux blonds, vient normalement… des Antilles. (Or, on n’a déjà pas masse de petits héros de couleur dans la littérature jeunesse.) Quant à la fille pink-punk qui joue les Hermione Granger sur la droite, qui est-ce ? Il n’y a pas de fille dans le duo Théophile-Bonaventure. Bref, ce mélange de racisme latent mêlé de consensualisme marketing nous a fait écarquiller les yeux très grand, passer notre chemin, et choisir de nous replonger dans la trilogie plutôt que dans le visionnage de ce film qui, indépendamment de nos opinions de grandes personnes toutes neuves, est peut-être correk (le doute nous habite), mais vraisemblablement pas très fidèle au livre. (Mais il aura au moins eu le mérite de faire découvrir cette série délicieuse à un nouveau public !)

Note bis : Pour découvrir nos autres « (Re)lectures des classiques de jeunesse avec un œil d’adulte », c’est par ici :
Harry Potter 1, 2 et 3
La Croisée des Mondes
Tobie Lolness
Le Livre des Étoiles

14 réflexions sur “(Relecture) La trilogie d’Arkandias, d’Eric Boisset (Magnard, 1997)

  1. J’ai une histoire très particulière avec Arkandias. Quand j’étais petite, j’avais le premier Tome dans ma bibliothèque et les premières pages m’ont tellement fait peur que je ne l’ai plus jamais ouvert. Je devais avoir 6 ou 7 ans. C’est quand l’adaptation en film est passée à la télé il y a plusieurs mois d’ici que le nom « Arkandias » m’a turlupiné pendant plusieurs jours.. jusqu’à ce que je me souvienne du fameux livre que je n’avais plus jamais osé ouvrir! N’ayant pas retrouvé mon exemplaire chez mes parents, je me suis empressée de l’acheter. Depuis, il m’attend bien sagement 😊 tu m’as donné envie de le ressortir !

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  2. Un grand et vrai coup de coeur que cette trilogie ! Je me souviens qu’on avait dû lire le premier tome en CM2 et que l’auteur était venu rencontrer notre classe à la fin de l’année (il était du coin) et qu’il nous avait dédicacé son livre !
    J’ai relu ces livres il y a peu à mon fiston en lecture du soir et il a adoré ! Et là on est passés à Harry Potter, quel bonheur de partager ça avec lui…
    Merci pour cet article !!

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    • C’est déjà génial de partager ça avec ma nièce, alors en lecture du soir avec son propre enfant, j’imagine même pas! 🙂 Bonne lecture de Harry Potter à vous deux!

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  3. Ahlala, moi aussi c’était l’une de mes trilogies préférées au collège !
    J’ai été hyper déçue du film, déjà parce que je me souvenais pas de grand-chose, pour être honnête, mais surtout parce que j’ai pas ressenti la même « vibe » que quand je les avais lus.
    Combien de fois suis-je allée à la bibliothèque en espérant trouver moi aussi un grimoire bizarre… 🙂
    Merci pour cette « relecture » qui me confirme qu’il vaudrait peut-être mieux pas que je relise tous mes livres préférés d’enfant pour garder la magie ressentie alors… :p

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    • Je voudrais pas te dissuader de relire tes livres préférés d’enfant, bien au contraire! 😉 On parvient très bien à garder le souvenir du « vib » de quand on était enfant, tout en acceptant le regard de l’adulte. C’est constructif de relire ces livres, on comprend mieux qui on était enfant et qui on est devenu adulte. (Enfin, je trouve.)

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    • Arf… C’est la vague HP qui l’a englouti! >< C'est tellement dommage parce que je pense que ça plait justement au même lectorat. Dis-nous ce que tu en as pensé, ça doit être intéressant de le lire adulte sans a priori!

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  4. J’étais hyyyper fan de ces romans à l’école primaire, merci du petit boost nostalgique !
    Dans la même collection et du même auteur il y avait aussi la Trilogie des Charmettes (que je préférais même un peu à Arkandias).
    Et dans les autres « romans de sorciers complètement oubliés grâce à Harry Potter » j’adorais les Tom Cox de Franck Krebs.

    Autant de livres que j’aimerais relire et en même temps j’ai peur de les découvrir avec un sens critique différent de celui de mes dix ans…

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  5. Pingback: C’est le 1er, je balance tout ! #12 – Histoires vermoulues

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