Six of Crows, de Leigh Bardugo (2015, VF Milan, 2016)

Article par Bloup

Un livre où les héros sont des hors-la-loi égoïstes et égocentriques, ça vous dit ?

Dans la ville portuaire de Ketterdam, une terrible rumeur court : une nouvelle drogue aurait envahi les rues, une drogue inédite qui rendrait les Grishas (humains aux dons particuliers) surpuissants… et totalement dépendants.

Un riche marchand s’en inquiète et offre une belle récompense à Kaz (membre éminent d’un gang, celui des « Dregs ») pour enlever Bo Yul-Bayur (suspecté d’être à l’origine de la drogue). Ce dernier est enfermé au Palais de Glace, dans le royaume voisin de Fjerda.

Pour mener à bien sa mission, Kaz s’entoure des meilleurs complices :

  • Inej, acrobate hors pair surnommée Le Spectre ;
  • Jesper, tireur imbattable ;
  • Nina, elle-même Grisha spécialiste du corps et des émotions ;
  • Matthias, ancien soldat connaissant bien le Palais de Glace ;
  • et Wylan, expert en explosions.

Bourrés de vices, traumas, tares et faiblesses, les « Six of Crows » (du Crow Club, QG des Dregs) doivent pourtant apprendre à travailler ensemble s’ils veulent une chance de sortir vivants de leur mission…

Guerres de gangs, misère humaine, enjeux personnels… Oubliez paillettes et bons sentiments dans ce roman original au rythme haletant !

POURQUOI C’EST GÉNIAL

  • #1. Un univers nouveau

Ketterdam est la capitale de Kerch, île au milieu de la mer qui borde d’autres royaumes : Fjerda, Ravka, Shu Han… Autant de noms aux consonances étranges, qui permettent un dépaysement total dès la première page. À Ketterdam notamment, les noms de rue et des personnages (rue Burstraat, Hoost, Van Eck, etc.) induisent un milieu néerlandais que l’on n’a pas tant l’habitude de rencontrer en littérature jeunesse.

Intervention de Lupiot qui passe la tête dans l’entrebâillement : Ça me rappelle l’univers slave du très beau Combat d’hiver de Jean-Claude Mourlevat. Malgré la fantaisie de l’univers (magie, races hybrides…), les noms et descriptions évoquent clairement des villes comme Prague, par exemple !

En ce qui concerne l’époque, on peut penser à notre XIXe siècle et sa révolution industrielle, nouvelles villes et magie en plus. Tous les codes à la Dickens sont là : ambiance des bas-fonds, alcools, jeux et dettes, petits et grands vauriens, lutte des classes…

Ambiance à la Oliver Twist, bande de (sales) petits voleurs…

Nous avons donc un univers qui utilise des codes connus et les renouvelle avec brio — et ça claque !

  • #2. Des thèmes humains évoqués avec subtilité

Dans ce contexte d’univers alternatif assez noir, un point de tension est exploré plus que les autres : la loyauté.

Jesper, illu. de marty-mc

  • Aveugle loyauté envers un leader malgré la connaissance de tous ses défauts (Jesper).
  • Dilemme de la loyauté envers ses racines/son éducation ou envers l’être aimé (Nina et Matthias) ;
  • Loyauté familiale (Kaz)…

Chacun des protagonistes est, à un moment ou à un autre, confronté à cette question, et l’auteure déploie suffisamment de personnalités différentes pour nous offrir un éventail de réactions humaines riches et saisissantes.

Les passions (amour, haine, patriotisme, religion…) ou le manque de passion (amertume, abandon, désespoir…) sont également subtilement évoqués tout au long du récit, de manière à nous fait ressentir une  forte empathie pour cette équipe de torturés.

Là où le roman est d’autant plus humain, c’est que Kaz, Inej, Jesper, Nina, Matthias et Wylan permettent d’explorer tout au long du récit des enjeux sociaux importants : prostitution, endettement, déracinement, multiculturalisme, mais aussi, plus particulièrement et tout en subtilité, homosexualité.

Des persos si fascinants qu’ils ont donné lieu à des myriades de fanarts et fanfictions dès la sortie. Ici, les illustrations de Kevin Wada.

On a rarement vu un cast de persos aussi riche en termes de représentation. Y’ a pas à dire, elle est cool, cette bande.

  • #3. Un récit articulé autour de ses (anti-)héros

Tout le rythme du récit tient au fait que chaque chapitre change de point de vue narratif en fonction d’un membre de la bande (excepté le premier et le dernier chapitre). Cela nous permet d’apprendre à connaître chacun d’entre eux grâce (notamment) à de nombreux flash-back. Résultat ? Les 6 héros sont, objectivement, de parfaits vauriens, mais ils nous sont tous rendus absolument attachants… et imprévisibles !

Le suspens est donc parfaitement au rendez-vous ; pas de « ventre mou » dans ce roman aux abdos d’acier.

Ce qui permet le rythme effréné de l’intrigue, c’est donc ce lot de personnages atypiques, souvent vulgaires (les dialogues font très authentiques), à l’incarnation très soignée. Même Kaz, qui apparaît d’abord comme le superhéros génial et inébranlable, cache des blessures profondes (que l’on découvre au fur et à mesure). Jusqu’au dernier moment, on se demande si … (SPOILER) va trahir la bande ou encore si … (SPOILER) ne va pas mourir prématurément.

Malgré toutes ses qualités à effet bombe atomique, j’ai remarqué quelques légers, tout petits, mini, ridicules… « moins ».

POURQUOI (même si c’est génial) CE N’EST PAS (exactement) PARFAIT

  • #1. Il faut un peu de temps pour rentrer dans l’histoire

Nouveau monde, nouveaux repères culturels et linguistiques… Les détails de mise en place de l’univers sont (très) nombreux et l’immersion dans le récit peut paraître difficile au début, notamment pour se situer dans l’espace.

#mon sens de l’orientation

Heureusement, le livre commence par deux cartes de ce monde créé par l’auteure et c’est plutôt un bon point si, comme moi, vous n’avez pas la boussole infuse.

  • #2. Des ados d’une maturité étonnante

Les « Six of Crows » ont tous des passés très lourds et des caractères forts et indépendants. Ils font notamment preuve d’une maturité impressionnante, de sorte qu’on a tendance à oublier leur âge : ils ont seulement entre 15 et 18 ans !

Heureusement que c’est rappelé à plusieurs reprises.

  • #3. Et Wylan, alors ?

Parmi « les six », le personnage de Wylan est le moins développé, malgré son grand potentiel et sa place centrale dans l’intrigue. C’est dommage de constater un traitement différent des autres membres de l’équipe, qui eux sont déployés de façon assez équilibrée.

Heureusement, le tome 2. La cité corrompue est sorti en France le 24 mai et j’ai grand espoir de voir Wylan « grandir » et s’affirmer au sein de l’équipe.

(Surtout sur Wylan, il est pitchoun, quoi.)

EN CONCLUSION

Une aventure originale et haletante, avec des protagonistes ambigus et une morale loin d’être pieuse (#CestSiBonDEtreVilain)… Une très belle découverte que je recommande à tous ceux qui cherchent le dépaysement !

Bonne lecture,

Bloup

21 réflexions sur “Six of Crows, de Leigh Bardugo (2015, VF Milan, 2016)

  1. 🙂 Ah ! J’attendais de voir si quelqu’un ici allait lire ce livre et nous en parler, et voilà ! Merci bien ! Je l’ai dans ma bibliothèque, j’ai beaucoup aimé le résumé (des anti-héros, ça change par rapport à ce que je lis habituellement), mais jusqu’à présent je ne me suis pas encore lancée dans la lecture, mais je pense que ton avis va me donner le petit coup de pouce (comme Gandalf avec Bilbo ahah) pour que je me lance ! 🙂

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    • Ah super, je suis contente si je t’ai donné le « coup de pouce » nécessaire ! 😀
      C’est drôle parce que je l’ai gardé longtemps dans ma bibliothèque aussi avant de me lancer… non pas par manque de curiosité ou de motivation, mais sans doute pour l’attente du timing qui sied bien à cette atmosphère 😉
      (Et ça vaut carrément le coup. Évidemment.)

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    • J’ai hâte de me lancer également dans le tome 2 ! (quand est-ce que j’aurai le temps d’ailleurs ? *regarde sa PÀL* Hum hum, ya le dernier Edward Carey aussi… et tous ceux-là, et aussi… bon, je sais pas quand j’aurai le temps !!)
      Même dans le T.1, Wylan est, effectivement, montré comme quelqu’un de pas idiot du tout, j’ai hâte de découvrir toutes les facettes de sa personnalité 😉

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    • Et tu sais pourquoi il a les bras croisés ? Parce qu’il te JUGE du haut de sa colonne de livres, oui il te JUGE de traîner autant à le lire. Tss.*

      * Mon exemplaire a exactement la même attitude sournoise. Bien qu’il me toise avec une certaine satisfaction depuis que je l’ai prêté à Bloup et qu’elle en a dit tant de bien.

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    • Je suis contente d’avoir contribué à son futur décroisement de bras, il ne faudrait pas qu’il ait mauvaise influence sur tous ses petits copains de PAL ! L’exemplaire de Lupiot est arrivé in-extremis dans ma bibliothèque, ça lui a permis de retrouver une bonne attitude, mais il a bien failli commencer à me regarder de travers puisque j’ai tardé à le commencer… Mais dès l’ouverture il redevient le plus aimable du monde : il ne demande qu’un peu d’amour, ce bouquin !

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  2. Je suis justement en train de le lire ! Et je suis d’accord avec tout ce que tu dis. Surtout par rapport à Wylan. J’ai feuilleté le livre et j’ai remarqué qu’il n’y avait aucun chapitre de son point de vue 😦 Dommage…

    Sinon, dans mon édition j’ai pas la carte de Ketterdam ! J’ai seulement la carte du monde et celle du palais de Glace. Bizarre…

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    • Si je me souviens bien, ce n’est pas la carte de l’article qu’il y avait dans mon exemplaire non plus (plutôt la mer avec une vue d’ensemble des différentes pays, et une autre du Palais de Glace) mais le style est le même, celle-ci doit faire partie de l’édition originale 😉

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  3. Ohlalala j’ai très envie de lire cette série depuis bien longtemps ! J’attends encore un peu, mais j’entends et je lis beaucoup d’avis positif.
    Merci pour ton avis qui est très construit ! J’ai encore plus envie de me plonger dedans !!!

    PS : Lupiot je vois que tu te lâches dans les GIF maintenant ! :p

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  6. Je découvre cet article (trrrrèèèèèès) en retard, mais je suis super contente qu’il existe car c’est ma saga préférée😍 alors, merci beaucoup beaucoup beaucoup ect…

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