Entrez dans la parenthèse camaïeu de ce roman graphique halluciné.

Il s’appelle Blue, et il a des bleus à l’âme. Son père est mort il y a peu, et il se sent entièrement, entièrement bleu. Sa mère lui conseille d’écrire dans un carnet pour faire sortir tout ça, mais Blue, étaler ses sentiments sur papier, il trouve ça un peu débile, et n’y parvient pas, alors, à la place, il imagine un personnage… Ce serait un garçon sauvage, brutal, à la frontière de l’humanité, qui vivrait dans les bois et dévorerait ses ennemis. Un garçon effrayant et silencieux, mais un garçon tout de même : il joue, il espionne, il court, il crie. Mais l’histoire que Blue s’invente, au fil des jours, semble s’insinuer comme un reste de fumigène dans son quotidien, et infiltrer la réalité…

Les illustrations de Dave McKean ont cette langueur insidieuse des rêves à la frontière du cauchemar, et la beauté étonnante et saisissante d’une histoire d’enfant passée par les mains d’un grand. Car ce que nous conte Blue tient de la vérité émotionnelle profonde. On se retrouve dans son escapisme*. Cette danse sur le fil de la réalité guide doucement héros et lecteur vers la rédemption. L’une des spécialités de David Almond.

On se délecte de l’authenticité du texte, de la beauté des illustrations, et de la puissance de leur association. En bref, c’est terriblement cool, et très beau…

Bonne lecture,

Lupiot

Le Sauvage, de David Almond, illustré par Dave McKean, chez Gallimard Jeunesse, 2010, 80 pages

* Escapisme : (de l’anglais escapism) le fait de s’échapper mentalement de ses tracas par des rêveries ; le soulagement associé à la plongée dans un autre monde.