Livre reçu lors d’un échange aveugle sur Babelio : bonne surprise.
Pourquoi j’ai mangé mon père, c’est l’histoire de l’évolution du point de vue d’un évolutionniste. Mais pas n’importe lequel ! Un homme de terrain. Ou, plutôt, un subhomme de terrain. En effet, cette fiction décalée, intelligente et délirante, suit une horde d’homo erectus à l’époque où, à peine erectus, péniblement homo, l’homme en a tout juste fini d’être un singe*. Et tout le monde n’est pas raccord sur la route à prendre.
-Back to the trees ! s’écrit régulièrement le vieil oncle Vania, le réac de service que toutes les nouveautés consternent. Marcher, soit. Manger de la viande, enfin ! Son estomac fragile se révolte contre cette nouvelle mode contre-nature : il digérait mieux les fruits et les baies, et passer son temps à mastiquer, merci bien. Quant au feu ! D’ici à ce qu’on crame toute la forêt, il n’y a qu’un pas. Il grogne et tempête comme le pépé bougon qu’il est, venant tout de même se réchauffer les patounes autour du foyer familial.
C’est Édouard, le chef de horde, père du narrateur Ernest, et inventeur de génie, qui mène avec enthousiasme son petit monde vers un futur étincelant. Progrès technique, progrès social, progrès intellectuel ! Son programme est vaste, ses exigences

Reconstitution **
lourdes, et la horde traine souvent des pieds — bien qu’elle s’habitue avec une facilité déconcertante aux conforts du quotidien que lui apportent les inventions d’Edouard…
Un roman drôle et étonnant : la narration est celle de scientifiques d’aujourd’hui, et nos hommes et femmes des cavernes sont très bien informés sur ce qui précède et suit leur bref passage sur cette terre ; ainsi Edouard est-il dévasté lorsqu’il découvre qu’il existe encore des hypparions : il pensait qu’on en était plus avancé dans l’évolution.
Une lecture légère et instructive, pleine de second-degré ; on rit beaucoup.
Anachroniquement vôtre,
Bonne lecture,
Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, Actes Sud, 1990 (Babel, 1999, pour la présente couverture), 172 pages (à partir de 12-13 ans).
* Très précisément, une horde de pithécanthropes vivant au pléistocène moyen. C’est avec ce genre de vocabulaire scientifique qu’Edouard l’homme des cavernes exhorte son public récalcitrant à évoluer.
** Reconstitution d’un homo erectus piquée sur l’article Wiktionnaire concernant les pithécanthropes, qui en sont une sous-espèce, et qui ressemblaient plutôt à ça :