Cette intrigante couverture vous a sûrement fait de l’oeil depuis les profondeurs de son imaginaire victorien. Avez-vous lu la quatrième de couverture, qui parlait de magie anglaise et de guerres napoléoniennes ? Peut-être avez-vous reposé ce pavé bizarre, peu enclin à donner dans la légende napoléonienne, ou à l’inverse, peu attiré par la fantaisie de ces évocations de magie. Dans les deux cas, ce serait un tort.
Jonathan Strange et Mr. Norrell est une réécriture historique hallucinante du tournant du XVIIIe au XIXe, pendant lequel un théoricien de la magie, pépère revêche du nom de Gilbert Norrell qui a tout du vieux notaire, se met en tête d’en ressusciter la pratique. Adulé, il se voit bientôt rejoint par un jeune homme brillant venu jouer sur ses plates bandes, un certain Jonathan Strange. Tout en cultivant une délicieuse concurrence, chacun met ses talents de magicien au service de la couronne britannique, et poursuit son exploration des limites de la magie. Ce roman est si bien documenté, si fidèle à l’esprit de son époque, et si fourni en notes de bas de pages, que le lecteur a beau savoir que non, la magie n’existe pas, il a toutes les peines du monde à se rappeler qu’il s’agit de fiction.
Ainsi, si vous avez aimé cette magnifique fresque… allez donc lire :
- Le cirque des rêves, d’Erin Morgenstern (2011, Flammarion 2013)*
Pour une autre aventure victorienne où la magie ne se dit pas, et est pourtant présente à chaque pas.
Célia est la fille d’Hector Bowen, illustre illusionniste et champion de la manipulation. Persuadé qu’elle a, en elle, un talent inné incomparable, il lance à un vieil ami un défi qui se déroulera sur de nombreuses années : chacun devra former un élève à la magie, et que le meilleur gagne ! Là où cette histoire nous séduit par sa délicatesse onirique, c’est que les deux hommes et leurs poulains, sous couvert de prestidigitation, pratiquent la véritable magie…
Un roman enchanteur qui sent bon la dentelle poussiéreuse et l’émerveillement enfantin.
- Miss Peregrine et les enfants particuliers, de Ransom Riggs (2011, Bayard, 2012)**
Pour une quête du passé où l’Histoire du XXe vient fiancer réalité et surnaturel dans une fable étrange et sombre à la Tim Burton.
Jacob a grandi bercé au rythme des histoires de son grand-père, des histoires incroyables sur son enfance, sur des petits camarades aux étranges pouvoirs. S’il n’en a jamais fait grand cas, à la disparition mystérieuse de son grand-père, Jacob se lance sur les traces de ce passé improbable, jusqu’au pensionnat de Miss Peregrine. Au fil d’une histoire qui s’avère de plus en plus noire, on se demande qui, de l’Homme ou de ses terreurs, est le véritable monstre…
Une duologie dont la beauté fantasmagorique laisse sans voix : le livre est émaillé de photographies d’enfants particuliers, à mi chemin entre le fascinant et le monstrueux.
- À la croisée des mondes***, de Philip Pullman (1995-2000, Gallimard Jeunesse 1998-2001)
Pour un autre univers, frôlant le steampunk, où quelques éléments surnaturels nous permettent tout juste de toucher du doigt une sorte de magie…
Lyra grandit au Collège des érudits, accompagnée, comme tout le monde, de son daemon, morceau de son âme indétachable, qui prend la forme d’un petit animal. L’univers dans lequel elle vit s’éclaire à la lumière ambarique, issue de l’ambre. On se déplace en bateau et en ballon. Et, surtout, sur les traces du mystérieux Lord Asriel, on part, avec Lyra, dans le Grand Nord, pour découvrir ce qu’est l’étonnante Poussière, particule subatomique magique qui entoure les enfants et leurs daemons…
Une superbe trilogie à l’imaginaire foisonnant et beau, où les mondes parallèles s’entrecroisent pour mieux échanger leurs richesses…et leurs vices.
Bonne lecture,
Jonathan Strange & Mr Norrell, de Susanna Clarke, Robert Laffont, 2007, 850 pages
* En V.O., The Night Circus.
** Un deuxième tome (sous le même titre, en V.O. Miss Peregrine’s Home For Peculiar Children) vient boucler les aventures de Jacob. À noter, je n’ai pas lu le premier tome en entier, que j’avais entamé en librairie (je sais, c’est mal…), et qui semble désormais indisponible à qui n’est pas disposé à vendre son petit frère ou sacrifier son premier-né. Impossible à dégoter depuis quelques mois, j’attends une réimpression. Je n’ai donc pas achevé ce roman que je vous recommande à la lumière de sa première moitié, déjà suffisamment fascinante.
*** À la croisée des mondes (en V.O., His Dark Materials) est composé de trois tomes : Les royaumes du Nord (Northern Lights), La tour des anges (The Subtle Knife) et Le miroir d’ambre (The Amber Spyglass).
Magnifique roman et non moins excellente traduction. Livre sans doute inoubliable et propre à nous faire seulement regretter que tout cela n’ait pas « vraiment » existé… Mais qui sait ? Et si ce qu’inventent les écrivains n’était jamais anodin et possédait la remarquable faculté de se projeter dans une autre dimension pour y revivre indéfiniment…
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