Oh, la belle claque ! Passé l’étourdissement ébahi, on a envie de serrer bien fort la main de l’auteur et dire « Monsieur, vous êtes créateur d’univers ». C’est une surprise d’autant plus belle pour moi qui avais trouvé Et plus encore vraiment pas terrible.
Todd vit sur Nouveau Monde, planète colonisée il y a quelques décennies, sur laquelle chacun s’entend penser. Les sentiments, les pensées, les rancœurs et les joies, les vérités et les mensonges, tout ce qui se passe dans la tête de chaque homme est entendu par tous les autres et se mêle dans le Bruit ambiant. Tout le monde ne supporte pas le Bruit de la même façon. Et, là où vit Todd, à Prentisville, les femmes ne l’ont pas supporté et ont toutes disparu. Il est le dernier garçon en âge de devenir homme. Après lui, la colonie n’est plus qu’une tombe à retardement.
Mais Todd pourra-t-il seulement devenir un homme ? Son anniversaire approche à grand pas lorsqu’il découvre un silence dans les marais. Un endroit sans Bruit. Un trou. Aussitôt trouvé, aussitôt partagé avec les autres, et… Toute la ville se met en branle. le Bruit de Prentisville bouillonne et s’enfle d’une menace terrifiante. Et Todd doit s’enfuir pour sauver sa vie.
Le langage de ce Nouveau Monde est subtil et franc, parfaitement dosé pour nous permettre d’entrer dans une culture différente. La construction du roman est époustouflante : on n’a pas une minute de repos, sans que l’on ait, pour autant, la sensation de courir après le scénario. On apprend constamment de nouveaux éléments, tantôt historiques, tantôt moraux. Tous les personnages sont mémorables. Le héros, analphabète, sensible et emporté, nous semble parfois trop susceptible, trop tête brûlée, trop faible, et tout cela le rend, en définitive, trop humain, et terriblement attachant.
Une lecture à la fois brutale et fine qui vous cassera les rotules et vous laissera tout pantelant. La suite !
Go, go go ! Accrochez-vous bien à votre siège.
Bonne lecture,
Le chaos en marche (tome 1), La voix du couteau, de Patrick Ness, Gallimard, 2009, 531 pages
* Il s’agit, vous l’avez deviné, du premier tome d’une trilogie, originellement parue entre 2008 et 2010, et éditée l’année suivante chez Gallimard. Cette trilogie, comme cela arrive parfois pour la littérature crossover (comme avec À la croisée des mondes de Philip Pullman ou L’histoire de Pi de Yann Martel) a été éditée dans deux collections, en l’occurrence chez Folio SF (dans le rayon SF) et chez Pôle Fiction (dans le rayon jeunesse). Mon choix s’est porté sur la version SF
- parce que les stocks de la
version jeunesse étaient épuisés chez mon libraire, et
- par pur goût esthétique ; je trouve la jaquette superbe (et j’aime bien la matière/qualité du papier, ce qu’on ne peut guère percevoir en photo).
Voilà un livre déroutant et splendide !
L’histoire se passe sur une planète inconnue mais très semblable à notre Terre, l’univers ne nous est pas totalement étranger. La vraie originalité vient de l’histoire initiale de la planète (le Bruit, la disparition des femmes, le virus, la dernière colonie de la planète etc…). De plus les évènements vont venir bousculer toutes les croyances du personnage principal, chamboulant totalement tout ce qu’on croyait être vrai. De surprise en surprise on découvre des choses avec le même étonnement que Todd.
Je suis totalement d’accord avec toi Lupiot, le rythme est vertigineux et endiablé : Quasiment à chaque chapitre un événement majeur se produit et, comme les chapitres de ce livre sont relativement courts, autant dire que c’est un roman très riche en rebondissement ! Et puis c’est un livre puissant : les événements dramatiques sont forts, les dangers sont terribles, la peur est là.
Le personnage Todd est un garçon en colère, parfois un peu mauvais, il est faible et cruel à la fois. Ce jeune homme peu cultivé et borné n’est pas un héros que j’ai l’habitude de lire, sa morale est plus nuancée que les protagonistes traditionnels. Je m’attache peut-être moins à Todd qu’à d’autre héros, en revanche je m’identifie facilement à lui (en tant qu’Humain faible et en colère).
Le style d’écriture est, bien sûr, un peu déroutant : l’auteur a fait le choix de nous raconter cette histoire par le biais du personnage principal Todd. Ce garçon, de 13 ans presque, s’exprime avec diverses fautes de grammaires, d’horographes, de syntaxes et il n’emploie pas toujours les bons termes. Bien que ma lecture des deux premiers chapitres était très laborieuse (je relisais très souvent les phrases pour en saisir au moins l’idée générale), je me suis très vite accommodé avec l’esprit du narrateur et la gêne a disparu : je ne sais pas si c’est moi qui me suis habituée à ses pensées ou si c’est Todd qui s’exprimait un peu mieux… En tout cas, j’ai beaucoup profité de ce roman une fois cette étape franchie !
Il y a un point que j’ai beaucoup aimé aussi : La discrimination que les gens de cette planète portent sur les autochtones est dérangeante et met mal à l’aise (mal à l’aise d’être du côté des humains-exterminateurs). Ce côté un peu dérangeant m’a un peu fait penser au film génial de Neill Blomkamp : District 9. (Je te conseille de le voir si tu ne le connais pas ^^).
Heureusement, tous les romans de cette saga sont déjà publiés ! Je verrais bien ce livre adapté au cinéma, l’histoire et le rythme s’y prête vraiment (en revanche, je voix difficilement comment mettre en scène le Bruit…).
PS : Lupiot, pour en revenir à « Lettre au Père Noël de Thorn by Cristal », je pense que c’est vraiment Christelle Dabos : J’ai appris qu’avant de participer au concours Gallimard Jeunesse, son histoire était à l’origine publiée chapitre par chapitre sur le site de fiction en ligne. Son pseudo était bien « Cristal » 😉
Biz
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J’ai oublié une petite critique à La Voix du Couteau : c’est l’usage abusif des cliffhangers, à la fin de PRESQUE chaque chapitre : « Bon, à la fin de ce chapitre, dodo » – arrivé précisément à la fin – « Oh my god, c’est pas possible, peux pas m’arrêter là ! » voilà comment ça se passe pendant tout le roman (au point de m’obliger à faire des pauses de lecture en plein milieu de chapitre ^^). Mais ça démontre encore une fois que l’on ne peut pas s’en détacher. (Le tome 2 et 3 ont beaucoup de surprises aussi, mais heureusement pas à la toute fin de chaque chapitre.)
Une chose me rend perplexe : J’ai du mal à comprendre pourquoi c’est une saga aussi peu méconnu – en France en tout cas (Patrick Ness n’a même pas de page Wikipédia Français !!!). De cet auteur je n’ai lu que Le Chaos en Marche, mais ce sont vraiment des livres qui méritent tous les éloges que tu lui as fait.
PS : Un truc sympa qui faut que je te raconte Lupiot, j’ai rencontré un vendeur à Paris qui était un grand fan de Patrick Ness, il adorait tous ses romans, et il m’avait conseillé de lire absolument Quelques Minutes Après Minuit parce qu’il était génial (j’ai un peu rigolé de la situation parce que j’ai appris que j’avais gagné le livre en concours le matin même ^^)
Ce monsieur m’a aussi parlé d’une version illustrée qui est, d’après lui, magnifique. Jim Kay ! Le même illustrateur que pour les Harry Potter !
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Oui je n’ai pas compris non plus pourquoi Patrick Ness n’avait pas sa page Wiki. Mystère. En ce qui concerne les auteurs (et encore plus les auteurs jeunesse) j’ai souvent remarqué une grosse faiblesse de Wikipédia (même en anglais, en encore plus en français). Comme c’est le premier réflexe pour se renseigner, c’est tout de même balo.
J’avais trouvé la construction du tome 1 parfaite. Effectivement, à la fin de chaque chapitre, on a un crochet dans les tripes qui nous tire violemment vers l’avant. C’est une lecture dont il est très difficile de se détacher.
Mais (masochisme ou autre) j’ai tendance à adorer faire des pauses justement au moment où elles sont « impossible », donc je kiffe ce genre de livres. Par exemple, après ma lecture du 1er chapitre, qui m’avait toute tourneboulée (je suis rentrée dans l’univers et le langage et le style immédiatement, quant à moi, et j’étais tellement bluffée par la qualité de ce début de roman qu’il me fallait une pause pour me remettre de ces émotions) j’ai refermé le livre pour souffler.
WOW.
Il fallait que j’aille en parler donc je suis allée dire à mon copain un truc du genre « je viens de commencer un roman et c’est COMPLETEMENT OUF, l’invention en terme de langage ; on plonge dans un univers qui a une personnalité de ouf en quelques pages seulement. C’est ouf. » (Quand je suis sous le choc, j’utilise beaucoup le mot « ouf ».)
HS : Attention à ce que tu vas me raconter parce que j’ai lu le tome 2 depuis, mais je n’ai toujours pas pris le temps de lire le tome 3 (T_T) donc ne me spoile pas. (Pendant un certain temps je n’arrivais pas à trouver le tome 3 dans la collection SF et je voulais les 3 tomes dans la même collection, tu comprends).
En ce qui concerne Quelques minutes après minuit, j’ai, depuis la lecture de ce magnifique (mais assez dur) (mais magnifique) roman, fait l’acquisition de la version grand format illustrée (par Jim Kay en effet, qui ici, est très noir !) ce qui est la raison pour laquelle je t’offre en cadeau la version Folio Junior, d’ailleurs !
Et à mon avis, découvrir le texte brut, sans les illustrations, est une bonne chose. Car le texte est superbe, fin, à la fois simple et puissant. En revanche, à l’occasion, je te conseille bien évidemment d’aller feuilleter le grand format illustré, qui te permettra de découvrir le roman sous un autre aspect, et d’être à nouveau emportée.
Bonne lecture !
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Eh bien, je vois que tu as beaucoup plus de patience que moi ^^. La manière dont termine le tome 2 est juste monstrueuse. Mais je ne dis rien sur ce qui suit !
(J’ai lu le tome 1 et 2 en version Gallimard Jeunesse (grand format avec les couvertures rouge), mais impossible de trouver le 3ème ! J’ai donc acheté ce-dernier en petit format Folio SF pour pouvoir terminer ma lecture. J’attends toujours l’occasion de racheter ce tome dès que je trouve son édition grand format 😉 )
Je ne crois pas avoir eu le souvenir d’avoir lu un roman illustré… C’est un concept un peu particulier pour moi, je pense que les romans sont faits pour que le lecteur s’imagine ce qu’il est en train de lire avec son imagination intime (même si les mots du texte sont pareils pour tout le monde, chaque lectures restent uniques).
Pour un roman graphique, j’ai peur d’être trop endoctrinée par les dessins, de ne plus imaginer qu’avec ma tête mais avec l’influence de l’illustrateur, et faire du roman une lecture trop impersonnelle…
Ça doit tout simplement être une expérience totalement différente des romans non-illustrés.
J’espère que tu as passé une belle nuit Halloween !
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