Et plus encore. Un joli titre, sobre, mais mystérieux. (On rajoute mentalement, soi-même, des points de suspension.) Une jolie couverture, invitant à pénétrer dans un univers que l’on devine plutôt sombre.
C’est là que s’arrête le beau travail de l’éditeur, car pour ma part, j’aurais invité l’auteur à retravailler son manuscrit sur plusieurs points*. Ce roman me laisse un goût de… pas terrible (et aussi un petit regret, car il y a d’énormes bonnes idées).
Vous êtes-vous déjà dit, au fond de vous, un soir où la vie vous accable, ou un matin au creux d’un rêve qui s’évapore, qu’il devait y avoir quelque chose d’autre ? Quelque chose de plus ? Seth, le héros du roman, trouve la porte de ce et plus encore, ou du moins, on le présume. Car il meurt ; il se noie, et il se réveille. Dans un autre monde.
La noyade est terrible et magnifique, ces premières pages sont superbes. Le réveil instaure un trouble et un mystère intéressant. Mais plus j’avançais dans la lecture (arrivée à la moitié, en fait**) plus grandissait mon impression d’une histoire trop délayée… (et pas très bien écrite, à part cette scène mémorable). Il y a d’excellents ressorts d’intrigue : la construction du roman, ces quatre parties, sont bien pensées. On achève la première partie sur la découverte de la nature de cet endroit mystérieux (ou du moins, sur une hypothèse !), puis on enchaîne les trois suivantes, chaque fois, sur un nouvel élément fort. …Mais que c’est lent ! Les scènes d’action, à partir de la moitié, m’ont semblées d’une lourdeur interminable.
Il se glisse vers le bâtiment le plus proche, s’arrête pour regarder par une fenêtre. De vrais barreaux de prison la protègent. À l’intérieur, il ne distingue rien que les ténèbres. Il pousse le curseur de sa lampe de poche. Rien ne se passe.
Rien ne se passe, c’est ça. (Surtout que le début du paragraphe crée une attente). Et bien c’est assez représentatif du style général, qu’il faut décupler, car ce paragraphe représente un cinquantième d’une seule, longue, scène d’action***. Avec ça, le suspense est forcé à plusieurs moments, comme dans ces séries où un personnage sait tout mais ne veut pas le dire, ou en est empêché par une urgence absolue. Vous connaissez cette impression des claques qui se perdent.
Au final, le message véhiculé par le roman est plutôt fin et intéressant, et j’apprécie la fin ouverte (que ceux qui n’en sont pas amateurs passent leur chemin, ils sortiraient extrêmement frustrés). Cependant, il est trop pataud à venir, ce message.
Je ne fais pas une croix sur Patrick Ness —qui reçoit en outre de bonnes critiques****— et j’essaierai, de lui, un roman plus court, dans l’espoir que ce qu’il y avait de bon ici y soit plus condensé.
Et plus encore, de Patrick Ness, Gallimard Jeunesse, 2014, 445 pages
* Manuscrit V.O., bien sûr (car une fois le texte acheté, on n’a plus le droit de le modifier). More than this, originellement publié par Walker Books en 2014, est traduit et édité en français la même année chez Gallimard.
** La moitié d’un livre de 445 pages. Ce qui signifie qu’au moment où j’ai commencé à être gênée par le rythme (et le style, mais surtout le rythme), il me restait encore 225 pages.
*** Et, un mot sur le curseur de sa lampe de poche ? J’ai compris le sens, mais n’est-il pas davantage question d’un… interrupteur ? (Hashtag traduttore tradittore)
****John Green aurait dit à propos d’Et plus encore : « À lire absolument », ce qui ne m’étonne pas tant, quant à la nature de quête identitaire qu’a ce roman (le dada de Green). Mais cela n’a pas la qualité littéraire d’un John Green, pour ceux qui s’interrogeraient.
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