Eléanor & Park reçoit des louanges de tous les côtés. C’est un bon roman, c’est vrai, il est à la fois touchant et honnête, et plein de beaux passages. Il n’est pas aussi spirituel, sans doute, que peuvent l’être les John Green, où les rencontres sont prétexte à des quêtes identitaires, où la plume est douce et brutale comme l’univers. Eléanor & Park est plus inscrit dans la popculture et le béton, dans le quotidien concret dans lequel les héros adolescents se débattent, et c’est la rencontre de l’autre, à la fois rejeté et attendu, qui viendra nous élever le cœur.
Ainsi, si vous avez aimé Eléanor & Park …allez donc lire :
Pour une autre histoire d’amour improbable entre la fille discrète et le beau gosse romantique.
Sous la plume comme toujours belle et incisive d’Agnès Desarthe, Julia, quatorze ans, dont les qualités principales sont d’être la première de la classe en latin, en maths et en grec, et d’être moche comme un phasme passé à la javel, apprend un matin de la bouche de sa meilleure amie qu’il y a Paulus Stern qui est amoureux de toi. Paulus Stern, le garçon le plus beau de la classe. Julia réfute cette absurdité. Elle de toute façon autre chose à penser, avec sa mère à la fois absente et étouffante et sa petite soeur perturbée qui traumatise ses poupées et les appelle « Tu pues ».
Ses journées ne sont malheureusement pas assez remplies pour l’empêcher de penser. Et si c’était vrai ?
Pour une autre histoire d’amour qui se construit doucement et subtilement, de rencontre hasardeuse en rendez-vous incertains.
Claire et Henry se connaissent depuis toujours. Mais depuis quand, exactement ? Pour Claire, depuis ses quatre ou cinq ans, quand Henry, quarantenaire, est venue la trouver au fond du jardin et a discuté avec elle, longuement, est devenu son héros. Pour Henry, depuis ce jour où, à la bibliothèque, une jeune inconnue s’est exclamée « Henry ! » et lui a soutiré un rendez-vous ; il avait la vingtaine.
C’est qu’Henry est atteint d’une maladie chrono-bête qui le fait bondir dans le temps, en avant ou en arrière, et leur histoire, à Claire et à lui, est une tapisserie confuse qui semble constamment se retisser. Pourtant, s’il n’est pas conventionnel, il y a bien un ordre à tout cela. Un ordre beau et bon, malgré les trébuchées et les malchances…
Pour un amour naissant interdit qui doit s’accommoder d’un univers hostile et violent.
Meg Rosoff écrit magnifiquement, dans une langue qui caresse et qui frappe, mais surtout, qui rend parfaitement bien le sentiment de fascination. Comme dans Ce que j’étais, le héros rencontre un personnage qui l’intrigue et l’obsède. Ici, c’est Daisy, adolescente d’aujourd’hui, accueillie chez ses cousins d’Angleterre pour fuir un foyer toxique, qui tombe sous le regard intense d’Edmond, son exotisme britannique et sa façon de fumer ses cigarettes.
Ce n’est pourtant pas ce qui m’a mise par terre dans ce roman, c’est le traitement de la guerre, inédit, intéressant. Elle apparaît sans raison, sans explication, et broie les villes puis les maisons de la campagne voisine. Il y a des feux, des soldats étrangers, des rafles, peut-être ? On ne comprend pas bien. Daisy et ses cousins doivent fuir, se cacher.
Maintenant, c’est ma vie, c’est l’amour et la guerre à échelle humaine.
- Aristote et Dante découvrent les secrets de l’univers, de Benjamin Alire Saenz (2013) *
Pour deux adolescents qui cherchent leur place et se sauvent mutuellement.
Aux dernières nouvelles, cette merveille n’est toujours pas traduite, ce qui est un comble vu le bien qu’on en dit outre-atlantique. A lire en V.O. si vous le pouvez. A noter sur un post-it pour quand il sera enfin publié en français, sinon.
Aristote et Dante sont deux gamins issus de la deuxième générations d’immigration hispanique (mexicaine, plus précisément) vivant aux Etats-Unis. Ari est silencieux et dur, sans doute parce que sa famille est, elle aussi, silencieuse et dure, marquée par ce qui est arrivé au frère aîné. Ari est solitaire. Il rencontre Dante, qui lit de la poésie pour le plaisir et embrasse ses parents sans y être forcé. Dante qui parle quand Ari est silencieux, Dante qui lit ses pensées. Un lien profond naît entre les deux garçons.
- Frances & Bernard, de Carlene Bauer (2013, Calmann-Lévy 2013)
Pour le roman épistolaire de deux jeunes écrivains tombés sous leur charme mutuel.
Dans l’Amérique des années 50, Frances, écrivaine en devenir, mais sans le sou, rencontre le beau Bernard Elliot, poète déjà reconnu. Lorsqu’ils se séparent à la fin de l’été, ils commencent à s’écrire, pour une correspondance qui durera plus d’une décennie. Et au fil des lettres, ils perdront leur pudeur initiale pour évoquer ce qui tourne en leur coeur et en leur tête : passion et raison, sentiments et religion, poésie et littérature, ils partageront tout. Mais ne vient-il pas un moment où tout déverser ainsi dans l’autre revient à se perdre en lui ? Une exploration du sacrifice et du renoncement, de la liberté et de l’ambition, dans le va-et-vient entre ces deux artistes.
Bonne lecture,
* Aristotle and Dante Discover the Secrets Of the Universe, en V.O. Pas encore traduit en français, mais à paraître courant 2015 chez Pocket Jeunesse…